Céline Christiaens est chargée de la coordination du musée MILL dans une ville du sud de la Belgique à la Louvière. Ayant initiée avec ses équipes les premières démarches en lien avec le bien-être en 2016, relativement précocement par rapport aux questionnements qui traversent aujourd’hui le secteur muséal, Céline a été invitée à partager la démarche de care engagée par son musée.
INTRODUCTION
Contexte social du musée :
La ville de Louvière est une ville ouvrière qui a été désindustrialisée et qui a une forte population de migrants, de deuxième génération parfois de première génération. La population est décrite comme très mixte, jeune et très dynamique aussi.
Gestion du musée :
Musée communal de petite taille, il dépend des autorités de la ville et fait partie intégrante d’une politique communale dont la volonté de mettre en avant ses atouts au niveau culturel et patrimonial est prégnante, (intégration du musée à un ensemble de services liés à la ville), permettant, selon Céline Christiaens, de faciliter les projets transversaux avec des services proches des citoyen·ne·s (service pour la jeunesse, séniors, pour l’accueil des étrangers…).
“On a des opportunités parce qu’on travaille de manière transversale avec d’autres services qui sont proches du citoyen comme les seniors ou les services pour la jeunesse, pour l’accueil des étrangers. Donc ça nous aide aussi quand on veut créer des nouvelles activités autour des expositions, on a toujours une tendance à aller à la rencontre des différents publics, peut-être que c’est la même chose dans les autres musées, mais j’ai l’impression que c’est la spécificité. Cette spécificité-là nous encourage à être créatifs et à chercher vraiment des solutions pour décloisonner et pour aller à la rencontre des publics et faire rentrer le citoyen dans le musée. Une petite précision au passage.”
ECHANGE ENTRE MARJAN ABADIE ET CÉLINE CHRISTIAENS
Marjan Abadie : Quelle est votre œuvre préférée au musée ?
Céline Christiaens : Alors c’est une question difficile parce qu’il y a beaucoup d’œuvres au musée, il y a une collection permanente et puis on a aussi des expositions temporaires où on montre ce qu’on a caché dans nos réserves. Je pense à une sculpture qui est dans le musée depuis son inauguration et qui est une œuvre en taille directe en marbre d’Idel Ianchelevici qui s’appelle « Paternelle ». C’est une sculpture qui a été réalisée tardivement dans la carrière de l’artiste parce qu’il a commencé avec des œuvres vraiment très expressionnistes, au démodelage, en plâtre, en terre, et là c’est une phase avec plus d’intériorité au niveau des sentiments, beaucoup plus de retenue, mais en même temps, pour la découvrir dans son intégralité, on est obligé de faire le tour. Donc ça induit qu’il faut passer du temps avec elle pour la comprendre tout à fait. Et moi j’aime bien l’idée de passer du temps devant une œuvre et puis il y a des jeux de matière entre le lisse des personnages et le bloc qui a été travaillé plutôt de manière brute. Et donc il y a aussi beaucoup de sensualité qui se dégage. En plus de ça, quand on la regarde de chaque côté en faisant le tour, on a l’impression que ce sont des œuvres différentes. Il y a plusieurs personnages, parfois on distingue une main, parfois juste un visage, parfois juste le dos. Malgré que ce soit de la pierre, on retrouve la douceur et la chaleur humaine du corps réel.
MA: Comment est venu l’engagement du musée dans le care ?
CC : C’est venu sans qu’on mette vraiment le mot dessus. C’est après, rétrospectivement, qu’on s’est rendu compte qu’on allait vers la dimension de bienveillance avec le public. Mais la première activité qu’on a organisée, c’était un cycle de yoga et de méditation dans une exposition. C’était une exposition d’art contemporain sur la thématique du paysage. Pendant presque 14 ans, j’ai travaillé pour le service pédagogique. On cherchait différentes façons de rentrer dans le musée, de voir les choses autrement, et peut-être aussi de brasser un peu les publics, peut-être d’initier à une technique de “bien-être”, enfin de yoga par exemple, mais d’initier aussi à simplement de pousser les portes du musée.
La thématique du paysage nous a inspiré ce cycle bien-être, en se disant qu’on allait visiter le musée, l’exposition, comme si on prenait un bol d’air frais dans la forêt ou dans la campagne pour le chez soi. On a mis ces activités en place avec des écoles de yoga de la région, et ça a rencontré du succès, donc on a proposé d’abord pour le personnel communal, sur le temps de midi, pour permettre aux travailleurs qui travaillent dans l’administration à côté de chez nous, de venir se ressourcer sur le temps du midi et puis, on a ouvert au public en faisant un partenariat avec une bibliothèque. On a tout un service de bibliothèque communale qui a des implantations dans tous les petits villages qui dépendent de la Louvière, et qui développe aussi un acte bien-être. Et donc, on s’est rencontrés autour de ce projet-là. Et le retour était très positif de toutes parts, que ce soit les gens qui connaissaient le musée, qui découvraient les pratiques qui leur apportaient une vision différente de l’expérience au musée. Et puis, les habitués de l’école de yoga qui venaient pour un cours délocalisé étaient inspirés. Ils trouvaient que c’était bien plus inspirant d’être dans un milieu consacré à la contemplation. Finalement, tout le monde y a trouvé des bénéfices.
MA : Donc, en fait, si je résume ce que j’ai compris, le point de départ c’était la thématique de l’exposition, le paysage, le fait qu’on puisse se balader peut-être dans ce paysage comme on fait dans la nature et comment on peut prendre du temps.
CC : Oui, on voulait une autre expérience du musée. Et c’était de vivre l’expérience de rentrer au musée de manière différente. Mais c’était aussi créer des ponts entre des activités qui semblent distinctes et pourtant qui ont comme finalité commune le bien-être, prendre du temps de qualité, se ressourcer. Il y a quand même des points de convergence qui sont importants et qui sont relativement faciles à mettre en place.
MA : Donc la logique, c’était de partir du bénéfice que peut apporter un musée, à savoir le temps de qualité, le bien-être et ensuite, de décliner et de chercher une activité qui a des valeurs similaires. […] Et vous avez mis combien de temps avant de réfléchir comme ça ?
CC : Pas longtemps, parce que c’était quand on travaillait sur les activités qu’on pouvait développer autour de cette exposition-là et autour du musée, il y a pas mal d’institutions qui étaient preneuses pour se lancer dans l’aventure (une école de yoga et une bibliothèque) et partantes pour investir au musée et créer des ponts entre les publics aussi. Ces ateliers se sont étalés entre 2016 et 2018 et se déclinaient par cycles de 3 à 4 séances.
Puis après, on a eu un changement de direction, c’est peut-être ça que les projets ont été en suspens à un moment. Et puis, il y a eu le confinement avec le Covid.
MA : Et est-ce que ça ne vous a pas fait peur d’être précurseur avec ces pratiques ?
CC : Si, j’avoue qu’il y a eu une petite base de questionnement, peut-être sur la légitimité, à mettre en place des séances de yoga au musée, ça ne paraissait pas très conventionnel.
Finalement, le levier s’est levé, du fait qu’il y avait plusieurs personnes qui étaient intéressées, les bibliothèques étaient partant pour développer un axe bien-être, et je trouve ça très pertinent d’utiliser le cadre du musée et des expositions pour accueillir les séances méditation et yoga. On était rassurés parce que les partenaires trouvent ça pertinent, et nous ont aidé aussi à convaincre. Et puis le retour a été rapidement positif.
MA : Donc, c’était une co-construction, une aventure et une fois que vous avez trouvé la cohérence, à travers les valeurs communes, vous vous êtes lancé, vous vous êtes dit « on y va, on le fait, on verra bien comment ça fonctionne ». Et c’est le retour positif des personnes qui vous a permis de…
CC : Oui, pour eux, c’était une plus-value d’avoir ce cadre privilégié, parce qu’ils pouvaient aussi déambuler dans l’exposition avant, après la séance, donc ils se nourrissaient aussi des œuvres. D’ailleurs, il y a eu deux professeurs en particulier, qui n’hésitaient pas à se baser sur les œuvres de l’exposition du moment, pour travailler sur la perception de l’espace, sur une posture en particulier, sur des couleurs. Il y avait aussi une interaction entre le cours et l’exposition du moment.
MA : D’accord, donc vraiment, tout le monde était partant dans cette construction-là ?
CC : Il ne fallait pas juste que ça soit un lieu d’accueil parmi d’autres, et qu’il n’y ait pas de plus-value. Sinon, je pense qu’on aurait laissé tomber. On voulait qu’il y ait une appropriation par les deux parties, le professeur et les élèves, les participants, et puis l’institution avec notre équipe.
MA : Comment tu définirais ta relation avec le Caring Museum ?
CC : J’ai l’impression que c’est essentiel. Il faut prendre le temps de concevoir les choses et de les apprécier. C’est quand même un comble de pouvoir travailler dans un musée, dans des écrins vraiment particuliers et de devoir courir tout le temps… Et demander aux visiteurs de passer du temps devant une œuvre si on n’est pas capable d’amener les choses, ou un cadre qui s’y prête, ou nous-mêmes en tant qu’équipe, d’être dans cet accompagnement, justement, de prendre le temps au musée, c’est dommage. Pour moi, c’est devenu primordial, et on fait attention dans la médiation, à veiller à tenir la main d’une certaine manière. C’est des propositions, ce n’est jamais des obligations.
Par exemple, pendant le Covid, quand on a dû fermer, la solution qu’on avait trouvée pour rester en contact avec le public, c’était de faire une campagne sur Facebook, où au moins une ou deux fois par semaine, j’allais puiser dans la banque d’images des œuvres de la collection de la ville. On a plus de 1200 œuvres, et j’essayais de trouver les œuvres qui entraînent en écho avec l’actualité qui était vécue mondialement. L’idée était d’offrir des petites bulles d’art, des petites bulles d’oxygène, qui racontaient cette histoire commune. C’était de créer un lien à travers les œuvres. Et puis, quand le musée a pu rouvrir, comme la programmation était complètement chamboulée, on a décidé de reproduire cette exposition virtuelle sur nos murs. On a raconté l’histoire du Covid, mais à travers les œuvres de notre collection en prenant le contre-pied et en créant à travers la médiation des petites attentions pour rendre l’expérience muséale agréable de nouveau :
- On avait un collègue qui attendait le visiteur au début de l’exposition et qui introduisait le propos et créait un lien humain dès le début.
- Au niveau des pastilles au sol, avec les traces de pieds, on avait aussi noté « gardez vos distances et profitez de la vue ».
- Dans le musée, dans le cadre de Covid, un monsieur avait créé un gel “hydropoétique”, et accueillait les visiteurs.
MA : Comment est-ce que les visiteurs vivent les actions que vous mettez en place et est-ce que les actions, comme le Yoga, ont permis d’accueillir de nouveaux publics au sein du musée ?
CC : Que ce soit le Yoga, la musique, ou la danse, toutes ces activités attirent un public qui découvre le musée, des gens de la Louvière qui découvrent le musée en venant aux activités. Après parfois se sont également les expositions. Toutes les expositions ne sont pas dans la même philosophie. Elles sont organisées soit par moi, mon équipe, mais aussi par un conservateur du musée qui a plus une optique scientifique et historique dans le parcours des expositions. Donc, si l’exposition est “moins sensible”, alors on essaie de travailler sur les activités pour toucher le public dans cette philosophie de prendre le temps, de découvrir une autre expérience au musée.
Ce qui nous intéresse, c’est de montrer que le musée peut vivre différemment et montrer différentes facettes. Ce n’est pas parce qu’on y vient une fois qu’on a tout vu. Alors, c’est un espace de rencontre qui varie au fil des projets.
Donc, si on a un événement sur la Louvière, il y a des événements qui reviennent chaque année, ils sont propres à la Louvière. Mais si on nous demande d’organiser des activités, bien sûr on va proposer des visites guidées et des ateliers pour les familles, pour les adultes, mais on va aussi proposer des activités d’autres disciplines pour vivre une autre expérience et toucher d’autres publics. Et le public habitué qui va venir découvrir une autre activité va voir le musée autrement.
MA : Comment est-ce que vous y travaillez la dimension inclusive du musée ?
CC : On essaye d’être en contact avec les partenaires sur le territoire, les maisons de quartier, les services d’aide aux personnes précarisées d’une manière ou d’une autre. Et c’est en créant des activités qu’on crée aussi des liens.
MA : Est-ce que tu as déjà mené des études sur ce que vous faites depuis maintenant 8 ans au musée ?
CC : J’avoue que non. Pas vraiment. Dans les prochaines semaines ou mois, on aura une nouvelle responsable de la médiation et on aura plus de temps pour analyser tout ça. D’autant plus que maintenant on va pouvoir rendre accessible. Mais le paternel, on en parlait tout à l’heure, bénéficiera aussi de sa méditation. Quand on est dans la collection permanente, on va l’intégrer dans le parcours permanent. Ça nous permettra d’asseoir encore plus l’invitation à prendre du temps dans le musée. Ça sera à réfléchir avec la nouvelle personne. C’est vrai que nous, le seul retour qu’on a, c’est le livre d’or et les retours à l’accueil. On peut dire que ça se passe bien, les retours sont bons, mais on n’a pas vraiment réfléchi.
MA : Il y a des études qui peuvent être faites très simplement. Par exemple, au Palais de Beaux-Arts de Lille, il y a des émoticônes qui sont développés par Daniel Schmitt et qui permettent aux visiteurs de donner leur ressenti avant et après la visite de manière très simple. C’est très simple et on note les changements de ressenti.
Les méditations Mindful Art au musée MILL
CC : C’est un projet qu’on a eu envie de faire au musée, mais c’est suite à notre rencontre avec Marjan pendant un colloque où Marjan avait présenté le Mindful Art qui m’avait complètement convaincue et qui m’avait donné l’outil pour entrer en connexion avec les œuvres. On a choisi deux œuvres avec Marjan, une de l’exposition temporaire qui est en cours en ce moment et une de la collection permanente.
MA : L’œuvre de la collection permanente est à l’entrée, donc les personnes peuvent vraiment prendre le temps pour le reste de l’exposition. On l’a choisi aussi en fonction de sa charge émotionnelle et sensible, mais également parce son emplacement s’y prêtait : elle était là, posée comme une invitation à ralentir dès le départ.
CC : C’est vrai que c’était la philosophie de cette exposition d’emblée. Elle s’appelle « Temps de pause » dans l’intimité des portraits de la collection de la ville. Dans le premier espace, ce sont toutes des œuvres qui invitent plus à l’introspection. La méditation à cet endroit-là plongeait tout de suite le visiteur dans un état d’esprit de ralentissement devant les œuvres. Il y a toute une scénographie qui ralentit aussi la progression pour passer plus de temps devant les œuvres. Il y a des textes aussi qui ont été écrits par des écrivains à partir des œuvres, qui invitent aussi à entrer dans l’histoire du portrait qui a été représenté, d’aller à la rencontre humaine avec l’artiste, avec le sujet et avec les autres visiteurs. C’était idéal pour le projet de Marjan que la méditation se fasse là. C’est une étape reconstruite ensemble pour que ça rentre dans la pertinence du propos.
MA : Et quels sont les projets à venir pour le musée ?
CC : Dans un premier temps, j’aimerais bien asseoir ce qu’on vient de faire, bien le communiquer, bien le faire découvrir. On a un projet qui a été mis en parallèle par des jeunes musiciens qui ont composé entre sept et dix œuvres inspirées par les œuvres de la collection permanente, donc des sculptures et un dessin. On va essayer de parler de la collection à travers ces différentes interventions, interprétations des œuvres de Ianchelevici. C’est notre collection permanente. On va déjà travailler là-dessus.
Pour l’avenir, j’aimerais bien qu’on aille vers quelques projets hors les murs, pour les publics qui ne savent pas se déplacer au musée. Dans l’optique de faire du bien, je pense par exemple aux services de soins palliatifs. Ici sur la Louvière, il y a deux hôpitaux, donc il y a déjà deux unités de soins palliatifs où les gens ne sont pas ou peu mobiles. Il y a toute une série de démarches, d’activités, de soins qui sont mises en place pour aider les personnes en soins palliatifs ou alors les personnes qui sont gravement malades, mais qui ne sont pas en soins palliatifs. Je me dis qu’on pourrait essayer de proposer quelque chose. J’en parlerai quand la nouvelle personne sera engagée au musée. J’aimerais bien qu’on voit comment on peut participer à ces démarches-là, au bénéfice des personnes qui sont dans la souffrance.
MA : L’idée, c’est d’étendre un peu, de faire un peu plus hors les murs, d’aller un peu plus vers les personnes qui ont toujours cette démarche de vous poser sur le tissu associatif et le tissu local.
CC : À mon avis, dans un premier temps, oui. Il y a déjà beaucoup à faire au niveau local, je pense. Oui, tout à fait.
MA : Je comprends. Là, ce que je propose, c’est qu’on puisse échanger avec les personnes s’ils ont des questions à poser. On n’a pas du tout parlé de la sociologie de la ville de Louvière, qui est assez particulière.
TEMPS DE QUESTIONS RÉPONSES AVEC LES PARTICIPANT·E·S
X : Avez-vous d’autres exemples de propositions que vous avez faites et qui ont bien fonctionné avec les publics ?
CC : Oui, on a déjà eu une collaboration avec une compagnie de danse, qui s’est aussi concrétisée d’ailleurs cette année. Donc la danseuse crée sa chorégraphie en fonction des sculptures qui étaient autour d’elle, et ça a créé avec le public un moment de communion et d’émotion assez fort. La musique fonctionne bien avec les œuvres aussi, ça on l’a fait plusieurs fois de manière différente. Prochainement, on va mettre en place un projet avec des musiciens qui ont terminé de créer à partir des œuvres du musée et dont l’album va sortir en novembre. C’est un concept qu’ils ont inventé pendant le Covid, c’est qu’ils jouent en distribuant des casques au public, donc eux s’installent quelque part, ils jouent, mais le public ne doit pas rester près d’eux. C’est-à-dire que le public circule, visite le musée, regarde les œuvres avec le casque sur les oreilles, et il est en immersion dans sa bulle, il vit sa propre expérience avec la musique et les œuvres. Je pense qu’on le refera de toute façon de temps en temps.
IO : Qui était à l’initiative de ces pratiques de bien-être dans le musée ?
CC : Alors, en fait, l’équipe est un petit groupe. À l’époque, en 2016, il y avait la directrice conservatrice, le secrétaire qui faisait l’accueil, un régisseur, le service pédagogique, donc quatre personnes essentiellement, avec une personne aussi qui est non-voyante et qui crée des projets adaptés. Et donc, il y a un côté collégial. Il y a une idée qui émerge et en général, si elle prend, si le projet prend au sein de l’équipe, elle est portée par la petite cellule. D’ailleurs c’est peut-être une facilité aussi par rapport aux très grandes structures où il y a peut-être plus besoin de validation et peut-être un écart aussi entre les personnes qui travaillent au contact avec les publics et les directions qui sont peut-être dans d’autres réflexions. Je sais que c’est parfois moins facile pour certains musées de faire passer des projets qui sortent un petit peu de l’univers du musée.
MA : Est-ce qu’au niveau budgétaire, vous remarquez que ce type d’actions ont plus de mal à avoir du budget, moins de mal ? Comment ça se passe ?
CC : Peut-être qu’on a de la chance, mais le budget n’est pas un frein. Pourtant, le budget communal n’est pas énorme. De nouveau, nous sommes une petite équipe aussi, ce n’est pas un frein pour nous dans les discussions. Si le budget a du sens pour tout le monde et qu’on peut se le permettre à un moment donné, on y va. De toute façon, comme on est un musée communal, on peut proposer des tas de choses. Mais on n’a pas le pouvoir de décision. On doit toujours en référer à notre collège d’Échevin et au Bourgmestre qui, eux, décident si c’est possible. Mais à partir du moment où on a sur notre année nos enveloppes budgétaires en fonction des projets, ce n’est pas un frein, après c’est aussi notre intérêt de s’entourer de partenaires, c’est-à-dire que pour le yoga, si on fonctionne avec une école qui a déjà un réseau ou avec les bibliothèques qui ont déjà un listing, ça permet aussi d’avoir une garantie d’un noyau dès le départ qui après s’étoffe avec le bouche à oreille. C’est sûr que c’est plus facile de travailler en collaboration au début pour avoir un effet de démarrage. Après, peut-être que ceux qui continuent sont d’autres participants qui viennent par du bouche à oreille ou par un article dans la presse. Mais c’est quand même plus rassurant de partir avec une garantie. Ça permet de tester l’activité aussi, si on a déjà un public acquis.
Pour la musique, on a consacré un budget pour la création des pièces musicales. On sait que c’est pérenne, on va quand même en profiter dans le temps, ça sera amorti. Mais on a plusieurs expériences de concerts dans le musée. On a pu évaluer que la musique fonctionnait bien avec le lieu, avec certaines œuvres au niveau de la collection permanente. Ça n’a pas été sur un coup de tête. On a quand même pu parler avec les gens qui avaient assisté à différents concerts, qui nous ont confortés dans la démarche.
MA : Dans certains cas, c’est parce que vous avez un public, vous savez que ça va marcher. Dans d’autres, c’est parce qu’il y a de l’expérience ailleurs, que vous savez que ça a des effets positifs, donc c’est comme ça que vous avez argumenté, que vous avez pu obtenir, valider les projets, si je comprends bien.
CC : Oui et non. Pour revenir à la question du budget, avant de se lancer dans quelque chose où il y a un aspect budgétaire qui pourrait coincer au niveau de la hiérarchie, c’est de tester d’abord un type d’activité au musée. Pas forcément ailleurs. Même si travailler dans un réseau avec d’autres musées nous permet parfois de se rendre compte qu’avec des petits budgets, on peut tout à fait adapter une activité à laquelle on n’aurait pas pensé. Nous, on a un petit musée, on ne sait pas faire ça. Finalement, on se rend compte que si, même avec des petits budgets, il y a moyen de faire pas mal de choses.
X : Quelle temporalité ont vos actions auprès des publics, est-ce que vous arrivez à atteindre vos publics instantanément ?
CC : Je reviens à la question de Stéphanie par rapport au public. Parfois, il y a des activités qui prennent du temps. Je pense aux activités familiales. Quand j’ai commencé au musée, il n’y en avait pas beaucoup. Au début, il n’y avait qu’une ou deux familles. Ça peut arriver aussi que ça ne décolle pas tout de suite. Il y a des activités qui ne marchent pas. Ça arrive aussi.
MA : Je me permets juste de répondre à ce que dit Justine par rapport au yoga qui fait joli ou yoga qui est en relation avec les œuvres. Et toi, Céline, qu’est-ce que tu en dirais ?
CC : C’est vrai qu’on en a discuté un petit peu quand on a évoqué la pratique du yoga ou méditation. En fait, je ne suis pas sûre qu’il y ait une réponse unique. Peut-être que ça va dépendre ne serait-ce que du participant qui va peut-être y trouver, qui va peut-être dire que non, pour moi, le cadre ne change rien. Peut-être que nous, notre motivation, ça va être de faire vivre une expérience différente, donc peut-être de regarder l’œuvre différente parce qu’il y a eu une activité qui induit peut-être un bien-être qui va induire le fait de prendre le temps après dans le musée. J’ai l’impression qu’il y a des tas d’expériences différentes qui peuvent être… Je ne suis pas sûre qu’il y ait une réponse unique.
MA : Pour moi, à partir du moment où, parce que tu regardes le truc devant toi et que tu tournes la tête pour le voir, ça ramène l’importance de ton corps. Et tout le travail du caring, c’est pour ramener les personnes à leur corporalité, à l’importance du corps comme le centre de ressenti. Donc, ne serait-ce que ce jeu de mettre sa tête à l’envers, ça nous ramène à notre corps.
IO : En termes de tarification, avez-vous une grille pour les ateliers que vous mettez en place de manière générale ?
CC : Ici, c’était gratuit. C’était un petit événement public, et donc c’était gratuit. Les activités yoga et méditation, c’était aussi gratuit parce que c’était en partenariat avec une bibliothèque et leurs activités sont toujours gratuites.
Compte rendu par Ines Ounadi