Bien-être, Care et Cure : un nouveau rôle social pour les musée?
Découvrez les réflexions inspirantes de Nathalie Bondil, directrice du musée et des expositions de l’IMA, Paris, lors de la web conférence du cycle CARING MUSEUM Café, organisée par Marjan Abadie
Pour Nathalie Bondil*, Le musée est un espace politique et social, pleinement inscrit dans la cité, qui doit promouvoir et incarner des valeurs communes partageables – dont la santé, au-delà d’un discours strictement d’histoire de l’art qui peut exclure. Le Pavillon de la Paix du Musée des Beaux-Arts de Montréal (2016) illustre cette démarche.
1. Le Care : “ là où les océans se rencontrent”- Edouard Glissant
Définition du Care
Théorie philosophique féministe américaine, initiée notamment par Carole Guilligan qui met en avant la sollicitude, s’occuper de…
Pour les musées, cela se décline par l’adoption d’une écoute des besoins du visiteurs ( y compris pour les espaces…) et des personnels : Faire preuve de sollicitude, travailler sur les connexions, les interdépendances et les fragilités et identifier des groupes qui expriment des besoins, recevoir cette parole par les médiateurs, écouter ses besoins , y répondre , et s’assurer d’un résultat.
Pourquoi adopter une démarche “care museum” ?
- S’inscrire dans une démarche d’accueil et d’hospitalité, centrée sur le bien-être du visiteur
- Partager cette émotion esthétique que nous ressentons, en tant que professionnel, face aux oeuvres
- Positionner le musée comme un acteur social, pleinement inscrit et ouvert sur la société : présence de représentants civils et communauté au board du musée, co-construction avec société civile (soignants, médecins…) . Au Canada, grande porosité entre les musées et la société civile.
- Rencontrer l’Autre, partager. Influence d’Edouard Glissant – “Le Tout Monde” – importance de la relation, de tisser du lien, : “Nous avons rendez-vous là où les océans se rencontrent”.
Quels sont les principes qui sous-tendent cette démarche ?
L’expérience esthétique mobilise les émotions et les sens, au-delà du discours de Raison .
- Adopter la démarche du Care, c’est rentrer en empathie totale avec le visiteur et permettre à chacun d’habiter et de retisser un rapport au monde, dans toutes ses dimensions émotionnelles et sensorielles.
- L’apport des neurosciences démontre que toutes les dimensions – sensorielles, émotionnelles – sont sollicitées face à une oeuvre d’art. Voir notamment les travaux de J.-P Changeux , Antonio Damasio , Pierre Lemarquis
- Le musée permet d’être un catalyseur d’expression des émotions et des perceptions sensorielles, révélant parfois l’indicible.
Quelle méthodologie pour mettre en place une démarche de Care museum ?
Référence “Voir Autrement” Documentation Française – Chapitre 24. Le caring museum face au défi de l’empathie démocratique.
- Une nécessaire prise en compte des émotions du visiteurs, du corps
- Développer des actions qui permettent de révéler ce qui est inaudible ou indicible par l’art et la pratique. Pierre Lemarquis, neuroscientifique, a démontré la présence d’un phénomène d’écho entre un état intérieur qui rentre en résonance avec l’œuvre d’art.
- Dépasser le “je pense donc je suis” pour un “Je ressens, donc je suis” : remettre en avant ce rapport physique et émotionnelle à l’oeuvre
2. Le Cure Museum : le musée comme prescription médicale
Définition du Cure
soigner, réparer , guérir santé – approche médicalisée qui ne se substitue pas à la médecine classique, mais vient en complément.
- Muséo-thérapie : ensemble des actions menées en lien avec des spécialistes médicaux au sein des musées, qui permettre d’amener du bien- être, mieux-être, avec un impact thérapeuthique prouvé
- Art thérapie ( voir notamment école de Tours) : prescription d’actions artistiques avec des objectifs précis, s’inscrivant dans un protocole médical protocole co-créé avec du personnel de santé et de médiation
Quelques exemples de programmes précurseurs dans les démarches Care :
- Le Moma – programme Meet Me – programme s’adressant aux personnes atteintes d’Alzheimer
- Palais des Beaux-Arts de Lille : s’investit depuis 2008 dans des programmes accueillant des personnes porteurs d’autisme. Voir notamment leur guide d’accueil
- Musée des Beaux-Arts de Montréal : visite muséale sur prescription médicale, les beaux-jeudis ( programmation pour les + de 65 ans), Marches santé au musée
Démarches et protocole à mettre en place ?
Une nécessaire triangulation musée-médecine- associations de patients
- Monter un comité art et santé qui permet de s’entourer d’expertises , d’associations et de laboratoires de recherche pour co-créer, valider et mesurer l’impact réel des actions et des protocoles d’accueil. Point de vigilance : programme nécessitant un fort investissement en temps pour un nombre de personnes touchées modeste.
- Nécessité d’accompagner son action par des publications scientifiques pour objectiver les résultats.
En France le plus souvent, les musées montent des conventions avec des CHU ( ex. PBA Lille, MOCO, Dreux ) qui permettent de définir l’objet de l’action et son impact via la conduite de protocoles de recherches. Au Musée des Beaux-Arts de Montréal, un mécénat a permis de financer la présence d’un art thérapeuthe à plein temps. - Tisser des liens avec des Associations de patients et de familles de patients pour joindre ses publics et qualifier les besoins .
3. Quels sont les impacts de telles démarches prouvées par des programmes de recherche ?
Différents symposiums médicaux sont consacrés à ces études d’impact :
- Une méta-étude de l’OMS de 2019 a prouvé l’impact thérapeuthique de l’art sur la santé dans différents champs médicaux
- Congrès médical canadien 2023 : Symposium Santé et art visuel : explorer la place de nos musées dans la médecine de demain
- Etude menée par le docteur Beauchet sur les actions du Musée des Beaux Art de Montréal
Article par Aube Lebel